Pendant des années, la consommation d'alcool de certains d'entre nous a perturbé notre santé, notre mode de vie et les rapports entretenus avec nos amis, notre famille ou notre milieu professionnel.

Un jour, nous avons réussi à rompre cette relation diabolique et à retrouver notre liberté. Il nous a été possible dès lors de rétablir des relations, reprendre une activité sociale, faire des projets réalistes, donner un sens à notre vie.

Dans le même temps, celles et ceux - parents, conjoints, enfants, collègues ou amis -qui avaient partagé cette vie chaotique constataient avec joie cette métamorphose à laquelle ils avaient parfois contribué.

Ils savaient aussi, plus ou moins consciemment, que notre nouveau mode de vie allait transformer nos rapports et nos relations, et que l'alcool, avec ses insidieux effets euphorisants, serait définitivement absent.

Cette époque était aussi celle des remises en cause, parfois douloureuse qui nous concernaient personnellement ou étaient liées à certaines relations que nous entretenions avec d'autres.

C'était enfin le temps des interrogations sur cette maladie, ses origines, ses effets, ses conséquences.

Avec les Membres Actifs de la Croix Bleue et avant d'être des leurs, nous avons appris à dominer ce flot de douleurs, de doutes, de questîons; à canaliser nos révoltes et nos impatiences.

Ensemble alors, en regardant l'autre avec tolérance, patience, amitié, amour et espérance, nous pouvons créer un formidable courant d'échanges et d'entraide, conduisant à autant de vies retrouvées.

Avec les expériences et les capacités propres à chacun d'entre nous, la Croix Bleue devrait pouvoir vivre, non pas seulement comme une Association «d'anciens buveurs», mais comme un havre d'espoir, comme une main tendue vers les femmes et les hommes qui connaissent des problèmes d'alcool.

Et ces compétences, ce «savoir» que la Croix Bleue possède, il faudrait aussi les proposer à tous ceux, bénévoles ou «professionnels», qui luttent contre l'alcoolisme.

Certes, notre environnement devient de plus en plus à appréhender, l'individualisme, la mesquinerie et la lassitude font toujours partie de la nature humaine. Alors, il est souvent difficile de préserver l'espérance folle qui nous anime lorsque nous venons del'alcool.

Si quelques fois, nous nous interrogeons sur la force d'un tel souffle, sur notre capacité à le maintenir intact, pourquoi alors ne pas nous interpeller sur le sens réel et profond que nous donnons à notre propre engagement?

Toujours aller toujours vers les autres et toujours se remettre humblement en question, c'est cela, dans la Croix Bleue, l'après-alcool.

Bernard LEDAY

Agé de 48 ans, je suis marié et père de deux garçons de 25 et 21 ans. Si j'ai décidé de faire une postcure, ce n'est pas par hasard, mais c'est après bien des péripéties, car mon alcoolisme, hélas, ne datait pas d'hier.

A partir du jour où ma décision de m'en sortir fut prise, j'ai tout mis en oeuvre pour y parvenir.

C'est avec le soutien de mon épouse, de ma famille, des amis de la Croix Bleue de la Section de Metz, où j'étais Membre depuis novembre 1993, et avec le consentement de mon employeur, que j'intégrai Château Walk le 13 novembre 1995, fermement déterminé d'arrêter de boire.

Si les quinze premiers jours où l'intégration dans cette communauté furent difficiles, c'est timidement, de par mon caractère à l'époque, mais allégrement, que je pris à coeur ma postcure. Assidûment, en m'appuyant surtout sur une réflexion personnelle et intense, je suivis le programme thérapeutique et mis à profit les conseils et encouragements de l'encadrement du Centre, pour l'élaboration d'une vie nouvelle. Chaque jour était l'occasion de changer quelque chose en moi. Bien sûr, cela ne s'est pas fait sans mal, car il m'a fallu beaucoup de courage pour accepter la réalité telle qu'elle existait.

Ces moments de réflexions personnelles m'ont permis de faire le point sur mon passé, le présent et surtout de me projeter vers l'avenir, afin de me redéfinir en tant qu'être humain. Au fur et à mesure que j'avançais, une brèche s'entrouvrait et à travers elle, je me reconstruisais. Cette renaissance, je la dois à tous ceux qui m'ont soutenu et qui croyaient encore et toujours en moi.

Les fêtes de Noël en famille à Château Walk, le séminaire de couple, les visites régulières de mon épouse les week-ends furent des moments très forts qui ont marqué mon passage à Château Walk.

Le 9 février 1996, je quittai Château Walk avec un bagage émotionnel rempli de joie de vivre, d'envies de partages, de fierté, d'espoirs, et de nouveaux projets pleins la tête, mais aussi quelque peu tourmenté par ce qui allait être mon avenir. Et je rentrai chez moi, fort d'une conviction inébranlable : l'abstinence définitive.

Mon retour au foyer s'est effectué sans angoisse particulière, car le travail accompli lors du séminaire de couple, nous a permis, ma femme et moi, d'aborder la question, et de préparer au mieux notre nouveau départ en commun.

Tout logiquement, nous avons repris le chemin des réunions, de la Croix Bleue à la Section de Metz, qui nous ont apporté énormément de soutien, de chaleur, de fraternité et d'amitié. Ces réunions sont devenues des moments essentiels de notre vie, car elles nous ont permis de vivre mon abstinence avec sérénité grâce aux informations, aux conseils, à l'écoute, et aux témoignages des autres membres.

Du côté de ma vie professionnelle, l'accueil des collègues m'a profondément touché et leurs marques de confiance m'ont aussitôt remis dans l'ambiance du travail. Cadre technique dans le bâtiment, dans une entreprise luxembourgeoise, ma carrière a évolué vers plus de responsabilités en tant que responsable de projets et de chantiers.

Mon choix de rupture avec l'alcool m'a permis d'être l'acteur de ma vie, et la sérénité acquise au sein de notre couple, nous a donné une nouvelle énergie qui ne demandait qu'à s'extérioriser.

Enfin nous appréciions la vie. Tous les espoirs nous étaient permis et reconnaissants de ce que nous avions bénéficié, nous décidâmes de nous engager et de porter l'aide aux personnes en difficulté avec l'alcool.

En novembre 1996, mon épouse et moi-même devenions Membres Actifs. Suite à cet engagement, je prenais des responsabilités en devenant secrétaire de la Section de Metz.

Comme le secteur de mon lieu de résidence n'était pas couvert par la Croix Bleue, il nous a paru nécessaire de créer dans un premier temps une antenne téléphonique pour être à l'écoute des personnes en difficulté.

En janvier 1998, vu une demande de plus en plus forte, cette antenne devient Section en Formation et c'est en février 1999 qu'a eu lieu la reconnaissance de la Section de Thionville-Yutz.

Comme vous pouvez le remarquer, tout ce chemin que j'ai parcouru depuis la sortie de Château Walk paraît idyllique. Cependant, je mentirais si j'affirmais que tout était parfait. Comme tout un chacun, J'ai rencontré des obstacles qui font partie de la vie quotidienne, mais que j'ai pu surmonter grâce à mon abstinence. N'oublions pas que ces obstacles peuvent être bénéfiques car ils permettent de nous surpasser, de nous remettre en question et d'augmenter notre capital confiance afin de progresser dans la vie avec sérénité.

Mon expérience m'a aussi montré que l'abstinence n'est pas une fin en soi, mais une merveilleuse ouverture vers le monde. Ceci ne doit pas être un cheminement statique, mais dynamique au service des autres, un cheminement qui devient bénéfique à soi-même.

Au travers tout ce que je vous ai fait partager aujourd'hui, j'ai voulu démontrer aux personnes qui sont au seuil de la guérison que le combat n'est pas vain, que ce changement ne dure pas le temps d'un feu de paille mais devient un brasier qui donne le goût et la joie de vivre.

La Section de Thionville-Yutz, dont je suis le Responsable depuis sa reconnaissance, est composée depuis le début de l'année d'une quarantaine de Membres (suivis, Adhérents, Actifs et Sympathisants). Elle s'appuie après une année de rodage et de mise ne place sur onze Membres Actifs qui, par une extraordinaire richesse dans la diversité et le dynamisme, expriment le fondement et la spécificité de la Croix Bleue.

René SCHMITT