N°134
Juin 2001

Le LIbérateur journal de la Croix Bleue

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Editorial


Voilà un début de troisième millénaire bien rempli pour notre Association ! Le Conseil d'Administration s'étant engagé à laisser dans le Libérateur une large place à la vie de la Croix Bleue, voyons les événements marquants de ce semestre écoulé dont certains ont été repris et développés dans ce troisième numéro de la nouvelle formule de notre journal.
Commençons par le déménagement de notre siège les 29 et 30 mars. Il aura fallu deux journées, quelques gros bras, deux camions pour transférer, de la rue de Clichy à la rue Belliard, nos 50 m3 de mobilier, matériel, documents et archives, ces deux derniers éléments ne représentant pas moins de 300 cartons.
Poursuivons par les mouvements de personnes : Daniel Boiffier, qui pendant plus de dix ans a eu la haute main sur les activités du siège et sur nos comptabilités, nous quittera après les vacances pour prendre un repos bien mérité. Martine Pignochet se forme actuellement en vue de le remplacer.
Continuons par un événement : un projet visant la création d'un quatrième centre de postcure dans la régions de Saint Omer. Il s'agit d'un établissement de 16 lits pour hommes, qui pourrait ouvrir dans dix-huit mois environ après que les propositions thérapeutiques, financières et immobilières aient reçu l'agrément des autorités sanitaires régionales.
Terminons enfin en rappelant l'adoption par l'Assemblée générale Extraordinaire du 12 mai dernier des projets de nouveaux statuts et règlement intérieur proposés par le Conseil d'Administration. Ces textes sont déjà partis pour le Ministère de l'Intérieur en vue de leur approbation.
Ainsi va ma Croix Bleue : nouveaux locaux, nouveau responsable au siège, nouvel outil de travail, nouveaux textes clarifiant notre mode de fonctionnement. Pour notre première Assemblée générale de ce nouveau millénaire, tous ces événements un peu particuliers composèrent un ordre du jour bien chargé qui contribua à son succès.
Cette rencontre se termina le dimanche matin par une riche et chaleureuse journée d'étude sur le thème du " Regard " que le Comité de rédaction a décidé d'élargie en y consacrant le dossier de ce numéro.
Semestre dense en essais réussis ; à nous de les transformer !
A la veille de ce troisième trimestre - et pour beaucoup je l'espère - je vous souhaite de bonnes vacances.
Bernard LEDAY

 



Ce mot évoque le visage, les yeux : instruments du regard, expressions de la pensée et des sentiments de la personne. Même sans expression, les yeux expriment un sens. D'ailleurs, nous dissimulons notre regard lorsque nous ne voulons pas nous révéler. Il est instrument de la communication. Un regard peur suffire pour se faire comprendre, même avec un étranger, encore plus avec ses proches. Le regard peut être : moqueur, doux, haineux, joyeux, direct, hardi, louche, faux, sournois, clair, éteint, agressif, profond ... Qui de nous n'a pas été sensible à certains regards ? Pour ma part, je revois celui émerveillé de mes petits-enfants au cours d'un spectacle de cirque ou celui étonné, hésitant, du grand frère de trois ans découvrant sa petite sœur qui vient de naître. Mais, il y a aussi les regards tristes d'enfants sans espoir vus lors de reportages à la télévision. Les regards de peur des enfants maltraités, des enfants qui n'ont plus confiance en personne. Le regard porté sur le monde, sur les êtres, va dépendre de son enfance, de son adolescence, de la façon dont a découvert la vie.
Le regard que nous portons sur nous-mêmes dépend de l'estime que l'on se porte. Elle va dépendre essentiellement du regard que nos parents, notre famille, notre entourage auront porté sur nous ? C'est le regard des autres qui nous fait exister. SARTRE disait : " Chaque regard nous fait éprouver concrètement ... que nous existons pour tous les hommes vivants... "
Bien souvent nous avons peur de nous regarder car nous ne nous aimons pas tels que nous sommes. Nous cachons cela quelquefois par une apparence très affirmée alors que nous sommes très incertains, que nous avons besoin d'être rassurés. Nous nous agitons, nous nous dispersons, nous n'arrivons plus à nous concentrer et nous ne sommes pas contents de nous. Un mal-être s'installe.
Cela peut déboucher sur la dépression ou sur le recours à l'alcool. Avec l'alcool, plus question de se regarder !
On se sent bien. Tout est léger. On est sur un petit nuage ! Au début tout au moins ; mais le temps passe. On se sent à nouveau mal, on augmente les doses et le piège se referme.
L'alcool nous anesthésie. Nous vivons dans le brouillard. Nous nous faisons, avec la déchéance, avec les regards moqueurs, les regards méprisants, les regards de reproches ... une carapace.
Une amie me disait : " Le miroir n'existe pas. Je buvais au goulot devant ma glace, mais ne me voyais pas. Tout était brouillard ". Jusqu'au jour où nous nous sentons au bord du gouffre, que nous n'en pouvons plus et qu'il nous faut sortir de cette galère (mais, comment ?) ou alors mourir.
Et là quelquefois, parce que nous sommes prêts, un regard peut tout faire basculer : - j'ai vu les larmes silencieuses de mon frère... - j'ai vu le désespoir de ma mère...
En fait, ces regards ont permis la prise de conscience du gâchis.
Lorsqu'on a la chance de rencontrer la Croix Bleue à ce moment-là, nous allons trouver l'aide nécessaire pour choisir la vie, c'est-à-dire l'abstinence. C'est une période difficile, car pas d'alcool équivaut à un grand vide, et cela fait peur ! Nous avons envie de combler ce vide alcool par autre chose ... n'importe quoi : travail, médicaments, présence d'un animal, d'un compagnon ou d'une compagne...
Rompre avec l'alcool implique de prendre le temps de se regarder pour savoir qui nous sommes, d'apprendre à nous connaître, nous accepter, nous estimer, trouver notre identité. Le meilleur endroit pour porter ce regard sur soi est bien sûr le centre de postcure. Ce lieu calme où l'on se sent protégé, entouré, aidé, écouté, entendu, va servir de voie à la construction du SOI.
D'autres y arriveront en fréquentant les réunions Croix Bleue où ils se sentiront soutenus, accompagnés par les amis.
Le regard des autres, mais pas n'importe quels autres, le regard de personnes qui connaissent le problème de la dépendance alcool ou qui ont connu eux-mêmes cette dépendance, les aide à vivre ces moments difficiles. Ils ont besoin de ces regards qui leur font confiance pour sortir de la culpabilité, de la honte, pour enfin s'aimer : conditions indispensables pour vivre et communiquer avec les autres.
On puisera dans la Croix Bleue les forces nécessaires à notre épanouissement. Le regard d'amour dont le petit enfant a besoin pour grandir, nous aussi, nous en avons besoin pour nous construire ou nous reconstruire.
Jacques WALTER disait : " Il y a toujours un amour qui nous précède ". Lorsqu'on est devenu SOI, que tout est clair dans notre tête, que nous nous sentons bien dans notre corps, que nous avons trouvé notre mode de vie, alors nous n'avons plus honte de nous regarder.
Huguette SALIN

 


Il y a des façons d'être qui marquent un siège est donc une institution.
Chacune et chacun exerçant cette fonction a laissé un souvenir plus ou moins fort, plus ou moins attaché à des valeurs, à des traits de caractère. Pour tous, tu resteras aussi l'homme avec lequel on pouvait bavarder de ses bobos, ses ressentis, ses projets parce qu'on n'osait pas évoquer cela avec quelqu'un d'autre.
Ce sens du partage discret, j'en ai moi aussi usé et parfois abusé. Il est vrai que certaines périodes ont été délicates.
Pour moi, il est clair qu'au-delà de bien d'autres qualités, le nom de Picsou restera scotché à ton passage.
C'est vrai que chaque fois que je t'ai proposé d'engager une dépense, la réponse tombait comme le couteau du Docteur Guillotin : " Avec quel fric ? " ou encore : " Y a pas de fric ", ou en plus personnalisé : " je n'ai plus de fric ".
Certes, nous trouvions toujours un terrain d'entente et tu réussissais en général à me sortir d'une tirelire miracle ce dont, ou presque, nous avions besoin.
Mais ce qui va me manquer, vois-tu, c'est ton petit sourire au coin des lèvres.
Merci pour tout, amitiés et bonne route au nom de toutes et tous.
Bernard LEDAY