L’alcoolisme chez la personne âgée

Véritable fléau, l’alcoolisme est la cause d’un grand nombre de décès chaque année. Le risque de devenir dépendant à l’alcool varie d’une personne à l’autre, quel que soit son âge, en fonction notamment de son histoire, de sa personnalité et de son environnement.

“L’alcoolisme est une force interne qui pousse la personne atteinte à consommer de façon répétée, à des doses croissantes et ce malgré l’apparition et la persistance de conséquences négatives” , explique le professeur Henri-Jean Aubin, psychiatre addictologue dans le service d’addictologie de l’hôpital Paul Brousse (Assistance publique-hôpitaux de Paris). “Cette force interne prend progressivement le pas sur les autres investissements de la personne, qu’elle abandonne peu à peu” , précise-t-il encore avant de répondre à nos questions.

Chez la personne âgée, l’alcoolisme a-t-il des conséquences sur sa santé, son entourage ?

Oui, et les organes principalement atteints par la consommation excessive d’alcool sont le système nerveux central et le foie. Il est également responsable ou coresponsable de certains cancers, notamment des voies aérodigestives supérieures (bouche, pharynx, œsophage). Le cerveau de la personne âgée est particulièrement vulnérable aux effets de l’alcool ; l’alcool et l’âge n’y font pas bon ménage. Les troubles du raisonnement et de la mémoire, rencontrés la plupart du temps chez les personnes atteintes d’alcoolisme, sont particulièrement fréquents et importants chez les personnes âgées. Ces problèmes se trouvent souvent aggravés ou confondus par une prise chronique excessive de médicaments tranquillisants, qui peuvent engendrer le même type de trouble. L’alcool induit aussi des troubles du caractère et de l’humeur, avec une irritabilité qui peut alterner avec un abattement et des symptômes d’allures dépressives. Ces troubles du caractère, mal supportés par l’entourage, tendent à renforcer l’isolement de la personne atteinte.

Quels sont les signes d’alerte, de repérage d’un comportement alcoolo-dépendant chez le sujet âgé ?

Les signes d’alerte sont importants à connaître. On doit évoquer un problème d’alcool chez les personnes âgées qui boivent quotidiennement et qui traversent des périodes d’amnésie à la suite de périodes de grande consommation d’alcool, qui continuent à boire malgré la recommandation de diminuer ou d’arrêter de boire, qui ont des tremblements le matin ou à des moments où elles ne peuvent pas boire, qui manifestent des troubles du raisonnement ou de la mémoire. Des symptômes physiques doivent également alerter, comme l’anémie, des anomalies de la fonction du foie, des chutes fréquentes, des fractures, ou des crises d’épilepsie apparues récemment. Mais ces différents symptômes sont souvent interprétés comme étant la conséquence des nombreux troubles et maladies qui surviennent avec l’âge, et de ce fait, le problème d’alcool s’avère insuffisamment dépisté par les médecins.

Qu’est-ce qui conduit la personne âgée à boire de manière excessive et quels conseils préconisez-vous pour favoriser l’abstinence ?

On considère qu’il y a deux types d’alcoolisme du sujet âgé. Le premier concerne les personnes qui ont développé un alcoolisme plus tôt dans l’existence, et pour lesquelles le problème avec l’alcool se poursuit alors qu’elles ont pris de l’âge. Le deuxième type concerne les personnes exemptes de problème marqué avec l’alcool jusqu’à un âge avancé, mais chez lesquelles le problème survient à l’occasion de pertes multiples (passage à la retraite, perte progressive des êtres chers), de la solitude, avec le sentiment d’inutilité, perte du sens de la vie, misère spirituelle…

L’aide à l’abstinence ? D’une façon générale, il faut tenter de favoriser les contacts sociaux, évidemment dans des cercles qui ne valorisent pas la consommation d’alcool. De même, il faut encourager la personne à s’engager dans des activités qui pourront apporter du sens à son existence. Les activités permettant de développer la dimension spirituelle sont particulièrement utiles pour apporter ce sentiment de sens de l’existence, support capital à l’effort à concéder pour développer une abstinence.

Dans quel cas le recours à l’hospitalisation est-il nécessaire et en quoi consistent les thérapies de sevrage ?

En général, l’hospitalisation est envisagée en cas d’échec répété de la prise en charge ambulatoire. Mais on envisagera éventuellement le recours direct à l’hospitalisation dans les cas d’un état de santé délabré, de précarité sociale telle qu’elle fait obstacle à l’effort nécessaire pour opérer les changements, et aussi chez les personnes à problèmes psychologiques importants, le plus souvent des symptômes de type dépressif, éventuellement accompagnés d’idées suicidaires. On distingue la phase du sevrage de celle de la prévention de la rechute (ou du maintien de l’abstinence). La période du sevrage, brève, ne dure que quelques jours et ne nécessitera un traitement par tranquillisant que chez les patients avec des symptômes significatifs, comme des tremblements, des sueurs, des troubles du sommeil, une anxiété importante.

Le risque de rechute existe, comment l’éviter ?

Encore une fois, il est recommandé de tout faire pour favoriser une resocialisation de nos patients, dont l’isolement constitue un facteur de risque important de rechute. A cet égard, les associations d’anciens buveurs apportent leur aide pour redonner du sens à l’existence, un sentiment d’utilité, et de la confiance. Enfin, on peut proposer, comme chez les sujets plus jeunes des traitements pharmacothérapiques réduisant le risque de rechute, et aussi diverses approches psychothérapeutiques.


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