N°146
Octobre 2004

Le LIbérateur journal de la Croix Bleue

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DOSSIER : BIEN DANS SON CORPS !

Le corps blessé par le handicap, le corps meurtri par l’alcool, notre corps que nous refusons d’aimer, ou bien le corps, simple carapace sans âme, tel est le dossier que nous ouvrons dans ce Libérateur. Parler de son corps, de soi au plus profond de sa chair n’est pas simple, et pourtant, même si notre société met en avant le culte du corps, du beau, n’y a-t’il pas autre chose encore de plus grand ? Bien sûr, il y a la beauté de votre âme qui vit au fond de vous-même.

Bonne rentrée à tous !

La présidente

Ginette Hermetet

 

 

Les dégâts causés par l’alcool : symptômes et pathologies

(Rencontre entre Alain Charpentier et Ginette Babled, 

médecin alcoologue à l’hôpital de Houdan - 78)

Alain Charpentier : Comment sont repérés les symptômes de la maladie alcoolique ?

Dr Babled : Les alcoologues tentent de plus en plus de sensibiliser les soignants afin qu'ils puissent repérer facilement une personne qui commence à abuser de l'alcool et qui n'est pas inquiète par sa consommation.

Les symptômes qui poussent un malade à consulter et qui ne correspondent pas encore à une pathologie confirmée doivent alerter un esprit éveillé. Ce sont des signes très variés comme devant :

  • une personne ayant des troubles de stabilité et qui chute fréquemment : on pourrait se demander si il n'y a pas une cause « alcool »,

  • une personne ayant des sautes d'humeur passant facilement de la gaîté à la tristesse,

  • une personne ayant des modifications tensionnelles et des modifications de poids importantes,

  • une personne ayant des gastralgies fréquentes, des troubles du transit.

Le soignant, lorsqu'il repère ces symptômes, doit pouvoir parler de l'alcool comme il parlerait d'autres produits. Par exemple : « Madame, vous êtes énervée, angoissée, avez-vous remarqué si l’effet des excitants dans certaines situations est à l'origine de ces angoisses ? Prenez-vous plus de café, de thé ou d'alcool? ».

Le médecin a souvent encore trop de gêne à parler d'alcool avec ses malades.  

Pourtant, une fois les symptômes bien repérés dès le départ, il serait plus simple de poser les bonnes questions et d’amener la personne à s'interroger : « Au fait, est-ce que je n'abuse pas de l'alcool? Ce n'est pas par hasard si on m'a dit ça? » Cela permettrait de sensibiliser la personne au début de ses excès d'utilisation de l'alcool, de la soulager, avant même qu'elle ne devienne quelquefois dépendante. Le pronostic serait bien meilleur.

Des programmes de sensibilisation pour les soignants sont en train de se constituer (programme A.N.P.A.A. : « Boire moins c’est mieux »)

Le médecin peut aussi s'appuyer sur des examens complémentaires qui sont le plus classiquement : la grosseur des globules rouges (V.G.M.) les gamma GT, l’urée, les examens lipidiques.

Ceux-ci permettront au médecin d'être conforté et de pouvoir aborder le problème avec son patient.

Lorsqu'ils sont admis dans les structures d'urgence ou en maternité, ce sont le médecin urgentiste, ou le chirurgien, ou la sage-femme qui aborderont le problème de l'alcool avec le malade. Marginalement, certains collègues médecins se refusent à faire des dosages d’alcoolémie pour ne pas entraîner, disent-ils, de conséquences, lorsque les assurances sont concernées lors d’un accident par exemple.

Pourtant il serait nécessaire de pouvoir communiquer rapidement aux patients les adresses  du centre d'alcoologie et les coordonnées des mouvements d’anciens buveurs les plus proches de leur domicile.

A.C. : Pourriez vous nous exposer le développement de la pathologie, les conséquences d'une alcoolisation sur l'organisme et le psychisme ?

Dr. B. : L'alcool qui est une drogue quand elle est prise à certaines doses, génère des troubles organiques liés au retentissement du produit.

Nous sommes tous inégaux face à ce produit. Les femmes sont plus fragiles et supportent moins bien l'alcool que les hommes.

Et même parmi les hommes, cette inégalité est criante.

L'escalade est beaucoup plus rapide quand on est fragile psychologiquement et lorsqu’on a l'impression au départ que l'alcool soulage cette fragilité.

Il y a aussi sans doute des facteurs génétiques et des prédispositions familiales ; de même que certaines familles sont plus vulnérables aux maladies dépressives par exemple.

Malheureusement les recherches dans le domaine de la génétique paraissent moins favorisées que d'autres.

L’atteinte la plus fréquente est celle des membres inférieurs qui se traduit par une polynévrite, responsable de douleurs importantes associées à des troubles moteurs et de la marche. Il arrive lors d'un électromyogramme que soient repérées des atteintes des membres supérieurs. Les symptômes sont moins douloureux et les signes cliniques sont plus discrets.

L'arrêt de l'alcool, une rééducation et un traitement par vitamines B1 injectables permettent au malade de récupérer de façon importante.

Toutefois, il peut persister quelques syndromes douloureux, nettement minorés par rapport  aux signes de départ.

Une polynévrite fréquente est l'atteinte du nerf optique (névrite optique rétrobulbaire). Elle entraîne une diminution de l'acuité visuelle très importante et peut aller jusqu'à la cécité. Cette atteinte est majorée lorsqu'il y a une intoxication tabagique associée.

Les complications peuvent être digestives, hépatiques (environ 80%), et pancréatiques essentiellement.

Les atteintes hépatiques quelquefois discrètes et non douloureuses ne seront révélées qu'au décours des examens cliniques, biologiques et échographiques.

Le foie n'est pas sensible qu'à l'alcool : il y a quelques médicaments ou parfois des pathologies virales ou parasitaires qui génèrent les mêmes troubles biologiques (importance des gamma GT).

L'hépatite peut évoluer vers la cirrhose, si le malade n’arrête pas sa consommation d’alcool. Malheureusement le foie abîmé par l’alcool est plus vulnérable pour les hépatites virales et il serait bon que les vaccinations soient à jour.

D'autres organes peuvent être atteints : le pancréas : le malade souffre énormément en cas de pancréatique aiguë. Ce qui l'amène obligatoirement à consulter.

L'alimentation est chaotique, de plus en plus liquide et de moins en moins solide. Des carences en vitamines peuvent survenir ainsi que des atteintes gastriques et oesophagiennes avec des signes inflammatoires. Il y a des patients qui arrêtent l'alcool lorsqu'ils s'aperçoivent qu’après avoir consommé leur petit-déjeuner, ils le vomissent aussitôt. C'est souvent associé à des brûlures gastriques.

On remarque aussi des atteintes de l'intestin grêle moins fréquentes et plus tardives.

Le mauvais état dentaire, la langue noirâtre et une mauvaise haleine sont aussi des symptômes d'une alcoolisation.

On peut parler aussi des troubles dermatologiques : poussées de psoriasis, acnés très entretenues et aggravées par l'alcool ; c'est un bon moyen pour que la personne consulte.

L'alcool est aussi un facteur prédisposant dans le cas du cancer. Par exemple une personne qui a longtemps consommé de l'alcool sera plus sujette à avoir des complications cancéreuses, au niveau digestif, au niveau O.R.L. et même au niveau de la vessie.

AC : Parlons des complications neurologiques.

Dr. B. : Les crises d'épilepsie sont possibles après une phase assez longue de consommation d'alcool ou après une chute et peuvent apparaître au moment du sevrage.

Les troubles de la mémoire sont le premier stade d'atteinte cérébrale. Plus tard si on ne soigne pas le malade, cela va continuer à évoluer et peut aller jusqu'à l'encéphalopathie éthylique qui ressemble beaucoup à une démence sénile. On est très frappé de voir que lorsqu'on fait des scanners cérébraux à des gens de 40 ou 50 ans qui ont déjà une forte consommation d'alcool sur plusieurs années, on s'aperçoit qu'ils ont une atrophie cérébrale et un cerveau ressemblant à celui d'une personne de 75 ans. Pourtant, lorsqu'on discute avec eux, on ne repère pas de troubles car ces derniers sont encore légers.

Il y a aussi les hématomes cérébraux qui surviennent aisément au moment des chutes.

Des troubles cérébelleux sont beaucoup plus difficiles à explorer avec le scanner et surtout plus difficiles à faire régresser même quand la personne abandonne complètement l'alcool et bénéficie d'un traitement prolongé (vitamine B1). Les troubles sont tels que la personne est obligée d'être en fauteuil roulant.

Parmi les complications fréquentes, il y a les complications sexuelles qui ne s’estompent pas forcément rapidement après l'arrêt de l'alcool. L'entourage peut avoir un mauvais souvenir de ce qui s'était passé pendant la période où il y avait beaucoup d'alcool. Il y a très souvent des troubles d'impuissance ou de baisse de libido chez l'homme qui mettent quelquefois six mois voire plus avant de se rétablir complètement. Chez la femme, il y a très souvent une modification des envies de rapports qu'elle veut reconstruire avec son entourage. Elle ne veut plus être une femme objet. Elle veut qu'on la respecte.

A.C. : Qu’en est-il des incidences psychologiques ?

Dr. B. : Les troubles psychologiques sont aussi très fréquents : dans certains cas ils existaient avant l'utilisation de l'alcool. Ce dernier a permis au malade de trouver un soulagement et la consommation a augmenté.

Après une longue utilisation de l'alcool apparaissent les insomnies, les troubles de confiance en soi, de l'anxiété, de la dépression soit primaires, soit secondaires, soit associés ou aggravés avec l'alcool. Il est très important de faire un traitement spécifique de manière à ce que, quand le malade arrête l'alcool, on puisse trouver des solutions à cette fragilité. Je pense par exemple aux spasmophiles, aux malades qui font des crises de tétanie.

Il est important de retenir que dans la plupart des cas, il y a une régression complète des liaisons organiques sauf pour les troubles cérébelleux et certaines polynévrites. Cela devrait inciter à se soigner. On peut en guérir mais si on reconsommait de l'alcool les organes cibles seraient de nouveau atteints beaucoup plus rapidement.

A.C : La recherche en matière d’alcoologie est-elle suffisante ?

Dr. B. : Ce n'est pas un domaine dans lequel il y a suffisamment d'argent consacré pour la recherche.

Tout d'abord il convient de s'interroger sur les rapports dépression/alcool : est-ce l'alcool qui amène la dépression ou l'inverse?

De plus on a remarqué que nombre de personnes sont alcoolo-dépendantes alors qu'elles n'ont pas eu d'alcooliques dans leurs antécédents, cela rend les recherches un peu compliquées.

A.C : Pourquoi un alcoolo-dépendant ne peut-il pas reconsommer modérément ?

Dr. B : Parce que la dépendance est inscrite dans le cerveau. Les personnes qui sont dépendantes ne peuvent pas consommer « un peu ». Mais un certain nombre de gens qui arrivent à régler leur problème d'alcool alors qu'ils étaient au stade de buveurs excessifs et pas encore dépendants ont pu reconsommer un peu. Mais ils n'étaient pas dépendants. C'est la même chose pour le tabac.

 

 

 


Le corps chez les adolescents

La période de l’adolescence dure cinq ans environ. C’est le moment de la vie où les transformations du corps sont le plus spectaculaires et le plus rapides. Tout se fait sous l’influence des hormones qui circulent dans le sang et vont modifier les organes auxquels elles sont destinées sans qu’il y ait une harmonie entre toutes les parties du corps.

 C’est ainsi que le pied et la jambe, la main ou le bras, apparaissent exagérément grands ou encore le nez bien long. La silhouette peut faire penser à un pantin désarticulé ou la forme générale a une grosse boule presque ronde !

Ce changement du corps peut produire des sensations particulières, parfois même angoissantes. Chez les filles l’arrivée des premières règles donne parfois mal au ventre et provoque une certaine tension dans les seins. La silhouette change, les fesses et les hanches semblent se développer exagérément, les seins poussent et la poitrine apparaît.

Chez les garçons, c’est l’apparition de l’acné qui devient préoccupante laissant bien peu de place à la barbe et à la moustache pourtant signe de virilité ! La voix change produisant des sons parfois bien peu harmonieux. Sans oublier bien sûr les érections avec la découverte de la masturbation et de l’émission de sperme

Ces transformations brutales, bien qu’attendues et espérées parce qu’elles sont le signe d’un devenir adulte sont aussi source d’inquiétude et d’angoisse. L’adolescent s’interroge : suis-je beau ? Suis-je laid ? En effet, il n’est pas très agréable de voir son corps disproportionné trop grand ou trop large pour telle partie du corps, trop petit et trop gros pour telle autre. C’est alors que l’attention portée à son corps devant le miroir, le souci de la  chevelure, du maquillage ou de la façon de s’habiller prend une place tout à fait importante et hors du commun.

Durant cette période la présence soutenue des parents est essentielle parce que ces derniers servent de modèles identificatoires. Plus que jamais le jeune a besoin d’être écouté et compris dans le triangle œdipien qui l’aidera à trouver sa place dans la société. C’est aussi le temps où le dialogue est indispensable. Le jeune y puisera les informations nécessaires à son développement, les paroles répondant à son besoin de sécurité et l’énergie nécessaire pour grandir en construisant sa personnalité et son indépendance.

Ce ne sont pas ces transformations qui posent problèmes. Ce sont les attitudes parentales d’abord et sociétales ensuite qui doivent les accompagner. Aujourd’hui, nous constatons que de plus en plus de personnes dépendantes ont commencé à se droguer ou à s’alcooliser dès douze ou treize ans, autrement dit au seuil de l’adolescence. Presque toujours cela va de pair avec un « maternage » et un « paternage » inadéquats et le plus souvent avec un père manquant, physiquement ou par son silence. Quand les enfants deviennent adolescents, être parent devient particulièrement difficile. Il faut donc prendre du temps pour s’y préparer et s’en donner les moyens. Il y va de la future vie d’adulte des jeunes.

En effet, l’adolescence est ce moment de la vie où un humain  passe d’un état (celui de l’enfant) à un autre, (celui de l’adulte). Durant ce passage, l’adolescent est à découvert, donc très fragile et très vulnérable. Il faut le laisser traverser, secréter sa nouvelle personnalité tout en l’accompagnant pour que les prédateurs de toutes sortes ne viennent pas profiter de cette vulnérabilité de « passage ».

Serge Soulié

 

 

 


L’habit ne fait pas le moine…

Dans ma jeunesse, je prenais grand soin de mon image. L’apparence était ma vitrine, ce que je voulais montrer aux autres. Mais au-delà de ce corps, ou plutôt au-dedans, il n’y avait pas de consistance. Je donnais beaucoup trop d’importance à mon enveloppe sans me soucier de ce qu’elle pouvait contenir. Ce désir de « paraître » m’a amené, petit à petit, à me rendre compte combien le fossé était grand entre ce que je voulais montrer de moi et ce que je pensais de moi en réalité. Et, ce fossé grandit avec moi jusqu’à devenir un gouffre. Cette distorsion devenait insoutenable et j’ai, alors, cherché à combler ce décalage par tous les moyens. Et, vous vous en doutez, j’ai trouvé une solution très efficace pour rapprocher, autant que faire ce peut, cette mauvaise image de mon moi intérieur et la bonne image de mon moi extérieur perçue par mon entourage. Cette déchirure que j’ai anesthésiée avec l’alcool m’a coûté dix ans de ma vie pendant lesquelles j’ai même fini par oublier mon apparence !

Au sortir de cet enfer, il s’est passé un phénomène curieux : mon corps n’avait plus d’importance, seul l’esprit comptait. C’est une période où j’ai beaucoup lu et beaucoup écrit aussi. J’avais enfin réussi à dompter ce corps qui ne n’avait plus pour moi qu’un rôle fonctionnel ; je l’ai mis au service de ma pensée avec juste un minimum de soins nécessaires pour qu’il puisse agir selon le bon vouloir de celle-ci. C’est aussi à cette époque que j’ai commencé à chercher ce qu’il y avait derrière l’apparence des autres et j’y ai trouvé des trésors insoupçonnés que je n’aurais jamais pu imaginer dans mon « monde d’avant ».

C’est ainsi que je me suis reconstruit, en privilégiant une activité cérébrale intense, au détriment, j’en conviens, de toute attention particulière à mon corps.

Mais je suis conscient que notre société tend, avec une pression certaine, à nous faire correspondre à une norme que beaucoup d’entre nous se sente obligé d’appliquer. Comme s’il y avait une mode du corps !

Notre société fait de toute manière la part belle à l’habit et cela sans véritablement prêter attention au moine qui le porte. Alors laissons la mode au matériel et ne malmenons plus nos corps pour satisfaire je ne sais quels critères prédéfinis.

Nos richesses sont du domaine de l’esprit et de l’âme et le corps n’est qu’un outil à leur disposition. Mais, comme tout artisan, il reste important de prendre soin de ses outils pour s’en servir longtemps.

Ce que je retiens de mon histoire, c’est l’importance d’un changement intime en profondeur. Et que ce changement soit perceptible dans notre quotidien par des réalisations concrètes. Que ce soit par le corps avec des efforts physiques ou par l’esprit par l’écriture (par exemple), la transformation doit être visible pour être mesurable par nous, mais aussi par les autres.

Changeons de vie : changeons nos envies pour rester en vie !

Yves Fénice

 


Le parcours de Gérard

Une cour intérieure de la surface d'un terrain de volley-ball,

Une allée caillouteuse de 25 m qui longe le temple voisin du centre,

Une chaîne à enjamber qui délimite le jardin du pasteur,

Un escalier de 7 à 8 marches qui permet d'accéder de la cour intérieure en contrebas au trottoir riverain :

Voilà le parcours de réadaptation corporelle de Gérard pendant ces trois mois de postcure au Phare à Lorient.

Un gamin de 2 ans accomplit aisément tout cela ;

Et pourtant, ceux qui étaient là se souviennent des premiers jours (voire semaines) de Gérard qui s'endormait sur sa chaise en groupe de parole, somnolait sur son assiette à table, bougeait à grand peine d'un point à l'autre d'une pièce… tant la polynévrite était sévère et le traitement chimique lourd. Le fauteuil roulant n'était pas loin.

Le corps était fatigué, usé par les années d'alcoolisation. Et pourtant, Gérard y a cru. Il s'est mis doucement, à son rythme, à refaire "son" sport, c'est-à-dire les 50 mètres décrits ci-dessus. Il lui fallait pour cela se lever une heure avant les autres pour faire sa toilette (tout un sport déjà) et faire son parcours de 50 mètres (une seule fois la première semaine) tout cela avant le petit déjeuner de 8h00.

Au fil du temps, Gérard s'équipait de petits bâtons d'allumette qui lui servaient à compter ses tours : un tour effectué et il retirait le bâtonnet du tas initial qu'il avait déposé, représentant le nombre de tour à faire (un de plus chaque semaine). Il s'agissait pour lui d'être sûr d'avoir fait le compte à la fin de son heure de sport matinal.

Après trois mois de cet exercice correspondant aux trois mois de la postcure, Gérard savait trottiner, montait et descendait les escaliers normalement et avait récupéré de la vivacité non seulement physique mais aussi intellectuelle.

Aujourd'hui, dix années après son départ, Gérard est un heureux grand-père, rarement chez lui parce qu'il randonne avec son épouse dans un club de randonneurs locaux ou avec ses enfants et ses petits-enfants.. Il est membre actif aussi d'une section bretonne… Mais il m'a laissé le soin de rédiger son témoignage : aurait-il une polynévrite des doigts?

François Cousin

Gérard apporte un complément…

François Cousin m’invite à me dégourdir les doigts et à compléter sa réflexion sur mon passage au Phare car non seulement j’ai retrouvé mon activité physique mais aussi ma pratique religieuse abandonnée depuis plus de trente ans.

Le 15 août 1994, des voix intérieures m’ont poussé hors de ma chambre et m’ont accompagné jusqu’à l’église Saint Louis proche du Phare.

Depuis ce jour et jusqu’à ma sortie le 1er octobre, « elles » m’ont accompagné et encouragé afin de retrouver mes capacités physiques appuyant ainsi le travail des accompagnateurs du Phare (pensée particulière à Roger, veilleur de nuit, mon premier supporter).

Cette pratique de ma foi retrouvée me soutient chaque jour et mon vœu le plus cher est que d’autres pensionnaires du centre me suivent sur cette voie.

Gérard

 


Surmonter son handicap

Pas mal de gens ont des idées stéréotypées en ce qui concerne le handicap. Pour ceux-là, les personnes handicapées ne servent à rien dans la société, ne sont capables de travailler que derrière des ordinateurs et ont constamment besoin d'aide. Je dis STOP. Apprenez à connaître les individus avant de les juger ! Cessons les discriminations.

Soyons solidaires et communicatifs. 

Chaque personne est différente et tout le monde se ressemble. Je suis handicapée et pourtant je suis plus indépendante que d'autres personnes dites "valides". Je fais le ménage normalement, je m'occupe de mon hygiène personnelle seule.

Je fais du sport. Hé oui! Vous voulez des exemples ? En voici : étant plus jeune, j'ai fait de l'équitation, de la danse, de la gym, de la musculation, du volley-ball, du basket ball… sans chaise roulante. Bien sûr je ne dis pas que c'est toujours facile, mais je l'ai fait ! Actuellement dans le cadre des mes études (je vais entrer en deuxième année d'éducatrice spécialisée : inimaginable, mais vrai !), je fais de la natation. Je possède tous mes brevets de 25m à 1 500 m ; je vais même passer mon brevet de sauvetage.

Par contre, je vous avoue que pour les trajets de longues durées en ville, je me déplace en chaise roulante. Là aussi, j'ai acquis une grande indépendance : je me dirige généralement dans les rues avec ma chaise roulante par moi-même ; même lorsqu'il y a des bordures de trottoir ou des pavés (pourtant encombrants). Pour aboutir à cette indépendance il m'a fallu du temps, le soutien de mon entourage et surtout : une force de caractère incroyable. A côté de mes études, je fais du conservatoire (solfège, chant, orthophonie, déclamation) depuis quatre ans. J'ai subi de nombreuses opérations, les mauvais regards d'autrui… et le dégoût de la vie. Mais une fois de plus, j'y suis parvenue.

En revanche il y a un point important sur lequel je veux mettre l'accent : est-il possible que les personnes "valides" ne prennent pas les places de parking des individus "invalides" ? Cela me répugne. Il s’agit là d’un manque de respect total que je me permets de pointer du doigt.

En bref, vivre avec son handicap n'est pas une chose aisée, mais quand on veut on peut.

A. – 21 ans

 


Pourquoi nos pensées vagabondent lorsque nous courons ?

"Quand on court, on boxe avec ses pieds", explique Jean-Pierre de Mondenard, médecin du sport. La vibration du choc plantaire quatre fois plus qu'en marchant, se transmet jusqu'au somment du crâne où, diluée, elle n'a plus d'effet. Mais on soupçonne ces impacts de participer à la sécrétion d'endorphines par le cerveau car ces substances augmentent chez les marathoniens plus que chez tout autre sportif d'endurance. Elles aident à supporter la douleur et provoquent même la sensation de"planer" chez les plus entraînés.

Marcher et courir sont des actions mécaniques. Elles font donc appel au cervelet qui contrôle les automatismes. Sauf obstacles à franchir, elles laissent disponibles le système nerveux central, siège de nos pensées. C'est pourquoi celles-ci vagabondent à loisir.

Enfin, l'accélération de la fréquence cardiaque entraîne une vasodilatation des vaisseaux et une consommation d'énergie accompagnée d'une production de chaleur qui, elle, nous détend.

Les battements du cœur permettent aussi de transporter plus d'oxygène dans les cellules cérébrales et ce carburant naturel rend plus performant notre intellect !

Ajoutez-y une consommation accrue d'adrénaline, hormone du stress, et on comprend pourquoi Jean-Pierre de Mondenard aime citer Montaigne : "Mes pensées dorment si je les assois. Mon esprit ne va que si mes jambes l'agitent".

Extrait de : "Marcher ou courir, deux façons de voir la vie" d'Agnès Rogelet

 

 

 

 

 

 

 


 

AMENDEMENT DE LA LOI EVIN

Ce texte a été rédigé avant que n'intervienne le vote du parlement du 13 octobre 2004

La loi Evin est-elle à l’origine du malaise actuel de la viticulture française ? Faut-il la modifier ? Et le vin est-il à considérer comme un  aliment, et non comme une boisson festive et conviviale ? Le docteur François de Laharpe, président de l’association C.P.A. (*), nous propose quelques réflexions à ce sujet.

Le monde de la viticulture est actuellement en difficulté. Il désigne la loi Evin comme principal responsable. Le coup de canif qui va être porté à ce texte me conduit à proposer les idées suivantes :

La diminution de la consommation de vin en France est une réalité ; mais elle a commencé bien avant la loi Evin (10 janvier 1991). En effet, en 1960, les Français consommaient 127 litres de vin par an et par habitant. En 1990, à la veille de la loi Evin, ils n’en consommaient plus que 73 litres par an et par habitant et, en 1999, la consommation avait encore baissé à 57 litres par an et par habitant. Cette diminution porte sur les vins de table alors que les vins de qualité ont vu leur consommation augmenter. Ceci vient d’un changement dans les habitudes des Français, la tradition de la bouteille de vin à chaque repas a régressé au profit de la consommation ponctuelle et festive.

Pas un aliment

Le vin n’est pas un aliment ; affirmer le contraire, c’est revenir à de vieux clichés qui égarent le consommateur. Le vin est une boisson traditionnelle, culturelle, symbolique et festive. En moyenne, le vin ne contient que peu de nutriments ou d’oligo-éléments utiles à l’organisme (protides, lipides, glucides, vitamines…). L’alcool occupe une place particulière ; il apporte de l’énergie et il génère dans notre corps beaucoup de sous-produits dangereux pour notre santé.

La prévention de la consommation excessive d’alcool (le vin contient de l’alcool) est un problème de santé publique, c’est-à-dire qu’elle concerne tout le monde, viticulteurs y compris. Voici deux exemples pour illustrer cette affirmation :

  • Lorsqu’un conducteur est au volant de sa voiture sous l’influence de l’alcool, il est dangereux pour tout le monde, y compris les viticulteurs qui auront la malchance de se trouver sur la même route ;

  • Les coûts importants générés par les maladies, les accidents, les invalidités en rapport avec la consommation d’alcool reposent sur les épaules de tous les citoyens et c’est autant d’argent non disponible pour d’autres missions que devrait remplir la collectivité.

Le vin est une boisson à part et ce sont les alcools forts qui sont responsables de tous les maux ! En tant que médecin, je ne peux laisser passer une telle affirmation ; la majorité des personnes qui ont des difficultés de santé, judiciaires ou professionnelles à cause de l’alcool sont avant tout des consommateurs de vins et/ou de bière. Il y a, certes, quelques consommateurs exclusifs de spiritueux, mais c’est beaucoup plus rare.

Cohérence et continuité

La prévention est une nécessité collective dont chacun doit tirer un mieux-être. Mais si la prévention doit se faire pour tous, elle ne doit léser personne. La prévention ne devra jamais se faire aux détriments d’une catégorie socioprofessionnelle. Nous avons beaucoup à apprendre concernant cette science récente. Ainsi lorsque le bien public le justifie, une mesure de prévention doit être associée à des études d’impacts et, lorsque c’est justifié, des mesures d’adaptation et éventuellement de dédommagement doivent y être associées.

La prévention ainsi comprise évitera des remises en question préjudiciables car elle a besoin de temps, de cohérence et de continuité.

Docteur François de Laharpe.

  (*) Connaître Pour Agir (CPA). Prévention de l’Alcoolisme et des pratiques addictives - 

Strasbourg : 6 rue des Francs Bourgeois, 67000 Strasbourg (Tél. : 03 88 32 57 18)

 

 

 


 

TEMOIGNAGES

Départ de Francis

Depuis, une dizaine d’années, ma vie est faite de bas et de hauts, de très bas, jamais ou quasiment jamais de très, très hauts. Sevrages d’une semaine, d’un mois, beaucoup plus souvent d’une heure ou deux. Plusieurs cures et postcures suivies de quelques mois d’abstinence, mais jamais, je dis bien jamais, bien à 100 % dans ma peau. 

Je ne cherche pas le pourquoi de la chose, le mal profond de cette arrivée progressive à cette maladie alcoolique. A quoi bon ! Je ne parle pas non plus de cette volonté chère à tous ceux qui ne connaissent pas notre problème : je dirais que pour mes nombreuses tentatives infructueuses, je n’étais pas prêt. Je n’étais pas prêt car je ne me soignais pas pour moi. 

Déjà avant d’envisager de me soigner, il a fallu que j’accepte le fait d’entendre (oui, simplement d’entendre) : « Monsieur, vous êtes malade alcoolique », « Plus jamais un verre (d’alcool) ». Je revois encore la tête de ce petit toubib qui se permettait de me sortir une aberration pareille : « Compte là-dessus et compte sur moi pour suivre tes conseils » dis-je, en souriant intérieurement. 

Depuis ce jour-là, petit à petit, chute après rechute, verre après verre, j’ai pu prendre conscience et me dire devant la glace : « Tu es malade alcoolique ! ». Ce n’est pas pour cela que l’abstinence est venue tout de suite, spontanément, facilement. Oh, non ! Que ce fut dur ! Donc j’essayais de me soigner pour mes parents, pour mes amis, pour tous mes proches qui étaient conscients de ma situation face à l’alcool, un peu pour moi aussi.

Et un jour, l’étincelle, le déclic comme on dit. Au lieu d’essayer de te soigner et bien : « Fais-le ! », « Soigne-toi ! ». Ne me demandez pas pourquoi c’est arrivé, ni comment. Je ne sais pas. Un concours de circonstances, un jour béni, une marée d’équinoxe, le positionnement de Saturne dans la constellation du Capricorne, un coup de soleil. Ma foi, je ne sais pas ! Le fait est que voilà : ça s’est fait !

 Depuis, j’ai retrouvé le goût de vivre et un bien-être certain, fait de hauts et de bas, bien sûr, mais en me disant : « Un problème ?! Regarde-le en face, ne le mets pas de côté, affronte-le, tu trouveras une solution. » C’est vrai qu’en ayant retrouvé une santé physique et morale, beaucoup de choses positives sont arrivées. Enfin, je bougeais.

 J’ai trouvé du travail ou plutôt j’en ai cherché et j’en ai trouvé. J’ai retrouvé aussi des loisirs sportifs et artistiques qui étaient pour moi bien loin dans ma jeunesse et totalement inaccessibles dans l’état comateux où je flottais depuis dix ans. C’est vrai que j’ai donné un morceau de mon cœur à une petite gardoise, Nadine, qui essaye de s’y accrocher même si ce n’est pas facile tous les jours. Qu’elle sache, quand même, qu’elle peut le prendre en entier, mon cœur !

 Ma situation par rapport à l’alcool actuellement ? Je la résumerais simplement à cette anecdote : à la première réunion de l’année 2004, Dominique a demandé comment s’était passée la soirée du nouvel an sans alcool, j’ai répondu spontanément qu’il venait de me faire remarquer qu’il n’y avait pas eu d’alcool à cette soirée !

Merci à tous ceux qui m’ont épaulé pendant ces moments de galère et de doute.

Francis - Section de Salon de Provence

Le 29 avril 2004 - En partance pour Pont Saint Esprit

 

 

 

Engagements : intérieur, extérieur, spirituel

Nous nous sommes engagés avec beaucoup de promesses le jour de notre mariage. Pendant onze ans l’alcool est devenu de plus en plus envahissant et perturbait notre foyer. Marcel savait qu’il était dépendant de ce produit. Après mes menaces de séparation, il prit contact avec la Croix Bleue : « Je vais voir ce qu’ils font dans leur boîte à Bon Dieu », me dit-il un vendredi soir.

Huit jours plus tard, je l’accompagnais à la réunion. L’accueil fut formidable. Refusant toujours la cure proposée par les médecins (il en changeait d’ailleurs souvent), nous avons signé, ensemble, le 10 mars 1966, notre premier engagement d’abstinence totale d’alcool.

« L’Aide de Dieu ne nous a pas gênés, on se moquait bien de lui. Existait-il vraiment ? »

Par respect pour le secrétaire de l’époque qui a signé avec nous et par respect pour notre parole, nous avons apposé notre « griffe » sur ce papier.

Dès ce jour, Marcel et moi avons écouté avec beaucoup d’attention les informations, à tous niveaux, données par les anciens. Nous avions soif de savoir.

Nous avons choisi une autre direction dans notre vie en essayant de rayer au maximum notre passé, en se pardonnant nos erreurs mutuelles, en cherchant l’amitié, les contacts, en participant aux réunions, à l’accueil, aux visites,… et surtout en se faisant confiance.

Nous n’avons jamais caché notre engagement à la Croix Bleue.

Notre témoignage et nos actes furent notre force. Nos « oui » étaient « oui », nos « non », aussi, étaient des « non ».

Nous avons trouvé le bonheur pendant trente six ans.

Jeanine Tétu

 

 

 

 

 

«J'avais du malheur car je n'avais plus de papa !»

De la haine contre mon père et aussi contre les litres qui rentraient à la maison.

De la peur, car quand je voulais lui faire un bisou il me rouspétait.

De la jalousie envers les autres enfants, car eux avaient la chance que leur père ne boive pas et qu'il s'occupait d'eux. Le mien ne pouvait même pas m'aider à faire mes devoirs.

J'avais mal au cœur car je croyais que mon papa ne m'aimait pas.

On ne sortait jamais. Quand le lundi à l'école on me demandait ce que j'avais fait le week-end, j'étais obligée de mentir en inventant des sorties, pour avoir la paix et que l'on ne me pose plus de questions. J'avais tellement honte que jamais je n'ai parlé de cette triste vie que l'on avait à la maison.

Je n'étais jamais pressée de rentrer le soir après l'école car quand il était réveillé, ma mère et moi, on en prenait pour notre grade (pas en gestes mais en paroles).

J'avais quand même de la pitié pour lui car quand je le voyais malade, je crois que j'étais aussi malade que lui.

Je me rappelle ce soir où Ginette et Pascal sont venus le voir à la maison. Il a dit : "J'ai dit à mon patron que je voulais me faire soigner à l'hôpital."

Pour moi, ça a été comme si on m'offrait le plus beau des cadeaux.

Je ne suis qu'une enfant, mais je tiens à dire un grand merci à la Croix Bleue car c'est grâce à vous qu'il s'en est sorti et qu'il est redevenu MON PAPA.

Merci.

Virginie – 12 ans

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Persévérance

Mon parcours de conjointe a été long, difficile, semé d’embûches, d’accalmie, puis de nouveau de sombres orages, de tempêtes ; mais cahin-caha, toujours aux côtés de mon mari, Dominique. Parler de persévérance à cette époque, je ne sais pas ; peut-être avec du recul, je pense que oui mais pas à ce moment-là. Je me battais mais sans savoir où j’allais, où notre vie allait. Je subissais ; ma vie était entre parenthèses, partagée entre cet alcool, mon travail, assumer et assurer le quotidien à la maison et les enfants.

La persévérance, à cette époque, était sûrement « amour », mais avec des sentiments mitigés qui m’amenaient parfois moi aussi au fond du gouffre.

Et puis un jour, cette vie tumultueuse a pris un nouveau tournant. Début janvier 1994, après un sevrage à l’hôpital d’Arles, Dominique a rencontré Louis, membre actif de la section d’Arles qui nous a invités à venir aux réunions Croix Bleue dès sa sortie. Une rencontre, un nouvel espoir avec ces amis de la Croix Bleue qui ont toujours été là dans les moments les plus dramatiques. Au sortir de cette première réunion, j’ai ressenti et respiré comme un grand bol d’oxygène, une éclaircie dans mon ciel sombre. J’ai écarté, écouté, emmagasiné tout ce qu’il s’y disait. A la fin de la réunion, lorsqu’ils ont chanté « Vivre », une grosse boule s’était formée dans ma gorge, c’est ma vie qui se déroulait au fil de ces paroles. Je les ai reçues en pleine figure, en plein cœur, mais au bout de ce chant avec l’espoir du « c’est possible ». Ce jour-là, je me suis dit que nous avions frappé à la bonne porte.

Même si à l’époque j’étais plus enthousiaste que lui. A partir de ce jour, je peux dire que la persévérance est entrée dans ma vie. Nous avons continué à aller aux réunions chaque semaine (90 km aller et retour), moi avec plus de plaisir que lui, parfois seule lorsqu’il ne voulait pas y aller. Travaillant de nuit, je changeai mon tour de garde de ce soir-là, car pour moi, il n’était pas question que je manque une réunion : c’était ma nourriture, mon ballon d’oxygène. Toutes ces personnes étaient devenues indispensables à l’équilibre de mon quotidien et au fait que j’avance au fil des semaines car ma souffrance de conjointe était prise en compte en tant que telle car après un mois d’abstinence, l’alcool était revenu s’immiscer dans notre vie pour reformer un couple à trois.

Pendant cette période de reconsommation, j’ai usé et abusé peut-être du téléphone, me servant des outils que l’on m’offrait dans ces réunions. J’en avais besoin pour toujours croire à cette espérance de vie meilleure.

Jusqu’à ce jour du 9 mars 1994 où il y a eu un accident de voiture avec délit de fuite, les gendarmes à la maison, la garde à vue… et moi, seule à la maison, avec le sentiment profond que c’était fini. Tout a basculé. Ce soir-là, le téléphone a sonné très tard appelant tour à tour les amis de la Croix Bleue qui me remontaient le moral et me faisaient voir cette histoire moins noire.

Puis deux jours après, le 11 mars 1994, il partait en postcure à Virac pour trois mois. Henri, responsable de la section de l’époque, nous accompagnait, heureusement car nous étions aussi mal l’un que l’autre de cette séparation, mais nous en avions besoin pour pouvoir nous reconstruire chacun de notre côté. De coups de fil en coup de fil, de courriers en courriers, je voyais Dominique changer et notre relation prendre une nouvelle direction. J’étais convaincue que notre vie allait prendre un nouveau tournant ; "Virac a été vraiment le virage de notre vie". Je montais le voir en car; après cet accident, plus de voiture, plus d'assurance. J'avais quand même trouvé le moyen d'y aller. Le matériel passait au second plan. Pendant ces visites, je faisais le plein d'énergie auprès de lui, des résidents, des moniteurs et du directeur (M.Lescombe à l'époque) car le retour à la maison me pesait. J'ai mis à profit moi aussi ces trois mois là pour faire ce que j'appelle toujours "ma postcure". Ma remise en question, ma reconstruction, je les ai faites en continuant à aller aux réunions chaque semaine et en participant à un week-end de formation régionale, en mai 94, avec ma section où j'ai rencontré d'autres personnes Croix Bleue, d'autres conjoints qui m'ont apporté leur témoignage et m'ont conforté dans l'idée que ce chemin était le bon et qu'à force de persévérance, il deviendrait une belle route où il ferait bon cheminer à deux.

Et puis, la sortie de Virac, direction le camping de Vernoux où nous avons été entourés, accueillis par d'autres membres de la Croix Bleue. Nous en sommes repartis avec plus d'envies pour continuer dans cette voie.

Nous allions aux réunions, manifestations et week-end, ce qui nous a amenés une année plus tard à prendre une autre décision importante, celle de devenir membre actif pour faire partie intégrante de cette grande famille.

A partir de ce jour, ma vie a pris un autre tournant, une nouvelle étape, un nouveau combat, celui d'aider les amis piégés dans cet enfer "ALCOOL" : leur donner envie d'avoir envie et le "c'est possible". Pour certains, c'est vrai, je suis partie sur les chapeaux de roues. Je me suis parfois brûlée les ailes. Pourtant cette étape m'a permis et servi à être ce que je suis aujourd'hui. Et le chemin a continué : permanences à Salon de Provence sous couvert de la section d'Arles en 1997 et section en janvier 2001 dont j'ai pris la responsabilité, la peur au ventre, car difficile de couper le cordon avec la section d'Arles et surtout la sagesse, le charisme et la patience d'Henri.

Nouvelle expérience sur mon parcours Croix Bleue entourée d'autres membres actifs. Les choses ne se sont pas faites seules.

Toutes ces étapes franchies les unes après les autres, me relevant lorsque je me trompais, mes remises en question, m'ont permis d'être ce que je suis aujourd'hui : une personne transformée et responsable de ma vie.

Dans mon rôle de membre actif, la persévérance fait partie de mon quotidien : accepter qu'un accompagnement est fait de souffrances et de joies partagées mais qu’il importe de toute façon de ne jamais lâcher prise. "Etre à côté". Il ne fait jamais bon de baisser les bras, car persévérance rime avec espérance.

Michèle Paupardin

Salon de Provence

 

 

S'engager, c'est se donner en gage.

C'est aussi inviter, inciter, défendre

entreprendre, agir, s'investir, militer

Lorsque j'ai signé mon premier engagement en 1986 c'était surtout pour moi une façon de sortir d'un engrenage, ne plus vivre ce que j'ai vécu ; c'était presque un soulagement, plus rien ne pouvait m'arriver, j'étais protégée comme si cette signature, cet engagement d'abstinence, était la cloche sous laquelle je pouvais me réfugier.

Cet engagement représentait pour moi surtout une nouvelle vie, une vie sans peur, sans alcool, sans ce maudit produit qui, pendant des années, m'a fait souffrir.

J'avais retrouvé une vie normale ; mon mari et moi, allions très régulièrement aux réunions et j'étais très fière d'appartenir à une association telle que la Croix Bleue.

Mais cela ne me suffisait plus et je me rendais compte que je n'allais pas en rester là ; je voulais m'investir d'avantage et commençais à participer à toutes les formations qui se présentaient.

J'ai oublié un peu mon "moi" pour penser un peu plus aux autres ; aider les autres est devenu ma motivation.

Rendre un peu ce que l'on m'a donné. Non, ce n'était même pas cela ; cela ressemble trop à une dette que l'on doit rembourser. Non, je voulais tout simplement apporter mon aide à ceux qui étaient encore dans la souffrance de l'alcool, les écouter, les soutenir, les accompagner un bout de chemin.

Très vite, on m'a confié la responsabilité de la section de Bouxwiller.

En 1998 c'est le groupe Bas-Rhin-Moselle qui m'a été confié. Et la même année, Pierre Salingue et Gérard Schmitt m'ont demandé si je ne voulais pas intégrer le conseil d’administration  de Château Walk.

J'ai longtemps réfléchi car c'était un engagement très important. Je ne me sentais pas assez compétente pour rejoindre une institution comme Château Walk qui était une petite entreprise.

En six années d'engagement à Château Walk j'ai connu trois directeurs, trois personnalités différentes et, comme partout, les changements sont parfois difficiles à accepter. De temps en temps le doute s'emparait de moi et je me demandais où était ma place.

Mon expérience dans la Croix Bleue avec les malades et leurs conjoint(e)s, m'a permis de m'investir auprès des couples lors des séminaires.

Je me suis également engagée auprès des pensionnaires qui sortent de cure et une fois par mois j'interviens avec un ami auprès des sortants pour discuter avec eux de leur retour à la maison, au travail, dans la société, pour répondre aux éventuelles questions qu'ils peuvent se poser.

Je me suis beaucoup et souvent engagée dans ma vie, mais à la Croix Bleue je me suis engagée avec les autres pour les autres ; avec les autres, c'est-à-dire ceux qui ont une action spécifique auprès des personnes en difficulté, mais aussi ceux qui les entourent.

Notre avenir à la Croix Bleue est d'être engagé.

Merci

Linda Winter